Une escapade ligérienne et un
nouvel indice pour ma petite presse (*)…
C’est en cultivant les
échanges avec les animateurs dépositaires des matériels et savoirs qu’on
avance. Et surtout moi, grand novice, qui apprends tout à leur contact. Aussi,
il y a quelques semaines, mon camarade et moi rendions visite à l’un de ces
conservateurs à l’occasion d’un road-trip en pays de Loire. Et c’est à Tours,
en la cité natale de Plantin, que parmi les différents objets collectionnés par
Muriel Méchin, je m’arrêtai sur cette petite machine que j’avais pourtant déjà
vue sans m’y attarder plus que ça. Lors d’une précédente visite, ce jouet ne
figurait pas encore à l’inventaire de mon petit atelier.
Comme d’autres outils et
équipements d’un âge perdu, on ne sait pas bien les nommer comme on ne peut pas
les tracer. La littérature demeure bien mince à leur sujet. Mais parfois, un
modeste témoin, un tout petit indice, et on avance dans la connaissance. C’est
tellement agréable !
Muriel conserve deux petites
presses de facture assez similaires dont une qui a su conserver sa signature. Il
a, par ailleurs, récupéré avec elle la notice, élément plus rare encore – la fonte
reste, malgré tout, plus pérenne que le papier.
On découvre donc une enseigne
et un nom. Tout aussi important, une adresse. Souvent cet indicateur est tout
aussi déterminant pour la recherche. Dans les registres du commerce et autres enregistrements
de dépôts, les noms peuvent se confondre, entre héritiers ou homonymes, dans un
brut d’information de surcroit particulièrement laconique.
Bon, le nom a eu tôt fait de
matcher. Jean-Baptiste Bénévolo, nait à Lyon en 1841 et meurt dans la
région en 1913. Il est d’abord mécanicien dans la capitale des Gaules et mène
sa petite entreprise successivement rue Childebert au 25 en 1876, puis 28 rue
Grenette en 1877, passage Hôtel-Dieu au 22 ; retour rue Childebert cette
même année, enfin 48 rue de la République (ah, ah !) en 1889.
Une fois le bonhomme localisé
– ce qui, déjà, date la petite machine ; vraisemblablement entre 1889 et 1909,
date de session à Joseph Deneoux, son gendre, des rennes de l’entreprise par
Bénévolo – il est plus curieux encore de découvrir l’étendu de ses talents. J’ai
dégoté la plus grande part de ces infos sur le site Géomusée… du patrimoine des arpenteurs en Beaujolais !!! Ça
colle en termes géographiques mais je ne m’attendais pas à lever des topographes ; mon truc c’est plutôt
la typo-… En fait, ce centre
ressources recense les métiers liés à la mesure, ses outils. Non, parce qu’autrement
notre client était enregistré comme ingénieur opticien, breveté SGDG (pour Sans Garantie Du Gouvernement, une
mention légale déchargeant l’administration de toute responsabilité quant au
fonctionnement de tel produit). Sa qualification étant la construction d’instruments
de précision appliquée aux sciences, aux arts et à l’industrie. On trouve à la
suite de ça l’évocation de certains de ses contrats privilégiés avec les
Hospices, les Chemins de fer et aussi certaines dépendances militaires, à Lyon
toujours. Bénévolo reçu manifestement de nombreuses médailles à diverses
expositions comme il fut reconnu spécialiste pour les laboratoires.
Quand trouva-t-il le temps de
concevoir cette charmante petite presse ? On lui connait aussi aujourd’hui,
outre des lunettes de précision, des jouets et modèles réduits – des bateaux
notamment. Et voilà. Je l’évoquais en découvrant ma petite presse (*); c’était
sans doute un jouet.
Finalement rien d’exceptionnel.
Me sont revenus alors certains éléments glanés à l’occasion d’une autre enquête,
toujours ouverte, regardant ma presse à platine, la Nationale.
Même galère pour
pister son créateur, Léon Hachée. En trouvant des bouts d’adresses de ses
différents fonds de commerces à Paris, je tombai sur un lien qui pouvait
paraitre incongru : les machines à coudre. C’est pourtant évident. Ne
parle-t-on pas, pour les presses de type Minerve de « pédalettes » du
fait de leur entrainement ? Terme ambigüe d’ailleurs ; la Pédalette était initialement une plus
grosse presse à arrêt de cylindre dite « en blanc », c'est-à-dire qu’elle
n’imprime qu’un seul côté de la feuille, contrairement aux machine « à
retiration ». Une machine du célèbre collaborateur de Voirin, Marinoni. Bref, la pédale qui anime l’arbre via
des bielles est tout aussi familière de générations de couturières ; les
machines qu’on trouve encore chez grand-mère fonctionnaient exactement de la
même manière – à ceci près que la courroie intégrait le plus souvent leur
système. Ainsi, les Hachée (& Successeurs) se convertirent dans cette
branche ; le génie de l’ingénieur allant ici de pair avec son opportunisme
commercial.
Une plaquette publicitaire et une entête de lettre qui figure l'enseigne H. Hachée, successeurs. Le brevet de l'Excelsior est d'abord américain. On la retrouvera ensuite siglée Huskvarna, toujours vendu au 104, Boulevard Sébastopol. Cette machine apparait aujourd'hui comme un grand standard.
*
Moralité, en imprimerie, comme en
couture, tout se recoupe.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire